Fragment 2 : Ethnologie des expériences de soi


Fragment 2 : Ethnologie des expériences de soi

Expérience et subjectivation 

Les travaux de John Dewey nous éclairent sur la place et le rôle de l'expérience dans l'apprentissage (John Dewey, 1934; Deledalle, 1995). Dans L'art comme expérience (2015 : 80-81), Dewey distingue deux types d'expérience : « il y a des choses dont on fait l'expérience, mais pas de manière à constituer une expérience ». Ce point de vue nous permet de nous positionner quand au terme expérience. Il convient alors d'interroger ce qu'il recouvre dans ma recherche : qu'est-ce que vivre une expérience avec un carnet en apprentissage des langues et des cultures. Malcolm Knowles (1990) amène à une conception auto-dirigée de l'apprentissage. Selon lui, l'expérience, la maturité, la conscience des besoins et le concept de soi chez l'adulte permettent à l'apprentissage d'être auto-dirigé, avec l'aide d'un guide. Je m' appuierai par ailleurs sur la lecture d'auteurs tel que Roger Mucchielli (1991), Bernice McCarthy (1985). Des auteurs tels que Henri Mechonnic (1982), Jean-François Chiantaretto (1996 ; 2005) et Claudette Sarlet (2005) interrogent la subjectivation de l'auteur dans la littérature et donc soulèvent la question du concept psychanalytique de soi. Ils révèlent notamment comment l'écriture témoigne de la subjectivité de l'auteur ou à l'inverse d'une intersubjectivité à travers l'auteur. 

Est-ce alors nécessaire de s'envisager comme un individu à part pour écrire ? 

Nous irons alors auprès de la littérature étrangère pour interroger la manière de se détourner du concept de soi (Hampâté Bâ, Badaire, 2000, 2008 ; Laye, 2010). Dans la littérature africaine, le conteur peut, en se racontant au sein d'un tout ou en racontant tout simplement une expérience initiatique, s'effacer derrière la ou les voix du récit. Celui qui entre dans l'écriture serait capable alors de faire des aller-retour entre lui et les autres, les histoires et son histoire. Cela reviendrait-il à être à l'écoute d'un extérieur et d'un intérieur, en somme d'être attentif à son environnement, une forme d'individuation dans la sociation et inversement ? Il se pourrait alors que l'environnement d'expérience s'offre comme un apprentissage. Toute la question de la subjectivité de l'être écrivant demeure. Il faudrait s'interroger sur la manière dont on peut utiliser ce concept de soi dans un environnement d'expérience pour en dégager une forme d'apprentissage.

Écrits intermédiaires et transitionnels 

Qu'écrit-on alors lorsque l'on apprend à écrire ?De quel ordre relèvent nos brouillons : des vérités générales, des choses de l'intime, des mémoires collectives, des souvenirs partagés ?De la subjectivité de l'intersubjectivité ? 

La notion d'expérience dans l'apprentissage ou experiential learning est largement traitée par les philosophes, les pédagogues et les chercheurs encore aujourd'hui (André Balleux 2000). David Kolb et Ron Fry (Kolb, D. et Fry, R.,1975) sont les premiers à développer un schéma de conceptualisation de l'apprentissage par l'expérience. Le modèle pragmatiste développé par Charles Sanders Pierce, Willian James, Georges H. Meads et John Dewey propose également de concevoir la connaissance comme le résultat d'un processus logique incorporé par l'expérienceur (Galetic 2007). Par ailleurs, les récents travaux sur les écrits intermédiaires de Jean-Charles Chabanne et Dominique Bucheton (2000; 2002) interrogent le processus réflexif qui mène vers la maîtrise de l'écriture. Chabanne écrit en 2011, « s’intéresser aux écrits ''intermédiaires'', c’est s’intéresser à tout ce qui précède, justement, l’élaboration de produits finis, à tout ce qui permet cette élaboration » (2001 : 2). L'écriture n'est pas perçue alors comme le résultat d'un apprentissage linguistique mais elle est une ouverture vers bien d'autres domaines dont l'élaboration d'une pensée.

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