Il ne s'agit pas de lire


Atelier-communication animé par Serge Martin lors d'une "journée d'écoute" à la Maison de la Recherche (Paris).


 «L'écoute de ce qui ne peut s'entendre» S.Martin 


Cet atelier s'est proposé d'être une forme de mise en mouvement du texte de James Sacré Un effacement continué ?, datant de 2009. Chaque participant a reçu un extrait daté du texte de J. Sacré, de telle sorte que la feuille se présentait ainsi : texte, date, page. Pour contextualiser un peu cet atelier, nous recevons notamment la quatrième de couverture du livre de l'auteur qui nous dévoile un peu de sa vie mais aussi de son oeuvre. Il est auteur de poésie et a récemment publié, en 2016 : Figures qui bougent un peu. Il m'apparaît alors que le mouvement est déjà par deux fois apparu chez cet auteur. Pourtant, il m'est inconnu. On apprend ensuite que c'est un vendéen émigré à Montpellier. Ce livre Un effacement continué ? est la suite d'une exploration de sa relation avec son père commencée avec Portrait du père en travers du temps.
Ainsi préparée, j'ai lu... 

A Blue Gap on a repeint le grand réservoir qui portait le nom du lieu; 
Il n'y a plus de panneau à l'entrée de la route qui nous y conduit 
Pour dire qu'on vient d'en prendre la direction. 
On passe par de belles étendues d'herbe courte 
Et de verts qui brillent dans la lumière du matin, 
Il y a quelques fermes 
Et la montagne tient grande ouverte cette vallée 
Qui nous emmène jusqu'où la route devient plusieurs chemins de terre... 
On partirait dans les champs 
Et peut-être que plus loin 
On trouverait ta ferme avec une autre 
Un peu après Cougou, un lieu-dit qui ne figure pas sur les cartes 
Et dont on épelle diversement le nom... 
Dans quel vert du temps (et ces moutons qui s'enfuient parmi les nuages) 
M'emportent ces mots pour penser à toi mon père 
Entre nulle part et Blue Gap en pays navajo? 

(2 août 2013) 
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Si dès la première impression j'ai vu un mouvement, il a été confirmé par ce morceau d'écriture, jetée d'un trait ou presque. Il ne faut pas complètement éluder l'objectif de cet atelier : donner un titre à notre extrait de texte. J'ai choisi Blues Gap. Le mouvement du regard est le même que lorsqu'on s'attarde, un après-midi plombé par la chaleur, au fond d'un rockin'chair. Je crois que c'est à ce moment-là que «l'écoute de ce qui ne peut s'entendre» commence. Dès lors qu'on accepte de renoncer à lutter d'une certaine façon et qu'on observe simplement. Le regard alors se pose sur ce qui fait vraiment sens. Pour James Sacré, il semble que ce paysage ait ses repères tendres et presque enfantins en grosse lettrine. Mais l'écriture a disparu de ce lieu d'enfance aigre-doux. Le temps a volé les mots peut-être. Les cartes ont oublié ce lieu-dit, on a enlevé les panneaux, repeint le réservoir. Là-bas, on épelle comme on peut ce souvenir. Peu importe, il ne s'agit pas de lire mais de sentir ce lieu.


Présentation de l'atelier d'écoute avec James Sacré par Serge Martin : Courtes expériences pour vivre/penser l’écoute avec James Sacré 


Référence bibliographique : 
James Sacré, Un effacement continué ?, La Dragonne, 2016.

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