L'alphabet dans le conte

Le conte explicatif a pour but de donner une explication merveilleuse à un phénomène naturel. Le conte a été longtemps de tradition orale avant d'être écrit, tout comme les mythes et les légendes de par le monde. Dans la culture africaine, les griots, à la fois poètes et musiciens, sont les gardiens de la mémoire.
Source : http://litterae.pagesperso-orange.fr/page2-contexpli.html

Extrait 1 : Mondo (Le Clézio) | Extrait 2 : How the Alphabet was Made (Kipling)

Extrait 1 : Mondo

"Je voudrais que vous m'appreniez à lire et à écrire, s'il vous plaît", dit Mondo.
Le vieil homme restait immobile, mais il n'avait pas l'air étonné.
"Tu ne vas pas à l'école ?"
"Non monsieur", dit Mondo.
Le vieil homme s'asseyait sur la plage, le dos contre le mur, le visage tourné vers le soleil. Il regardait devant lui, et son expression était très calme et douce, malgré son nez busqué et les rides qui coupaient ses joues. Quand il regardait Mondo, c'était comme s'il voyait à travers lui , parce que ses iris étaient si clairs. Puis il y avait une lueur d'amusement dans son regard et il dit :
"Je veux bien t'apprendre à lire et à écrire, si c'est ça que tu veux." Sa voix était comme ses yeux, très calme et lointaine, comme s'il avait peur de faire trop de bruit en parlant.
"Tu ne sais vraiment rien du tout ? "
"Non monsieur", dit Mondo.
L'homme avait pris dans son sac de plage un vieux canif à manche rouge et il avait commencé à graver les signes des lettres sur des galets bien plats. En même temps, il parlait à Mondo de tout ce qu'il y a dans les lettres, de tout ce qu'on peut y voir quand on les regarde et quand on les écoute. Il parlait de A qui est comme une grande mouche avec ses ailes repliées en arrière ; de B qui est drôle, avec ses deux ventres, de C et D qui sont comme la lune, en croissant et à moitié pleine, et O qui est la lune tout entière dans le ciel noir. Le H est haut, c'est une échelle pour monter aux arbres et sur le toit des maisons ; E et F, qui ressemblent à un râteau et à une pelle, et G, un gros homme assis dans un fauteuil ; I danse sur la pointe de ses pieds, avec sa petite tête qui se détache à chaque bond, pendant que J se balance ; mais K est cassé comme un vieillard, R marche à grandes enjambées comme un soldat, et Y est debout, les bras en l'air et crie : au secours ! L est un arbre au bord de la rivière, M est une montagne ; N est pour les noms et les gens saluent de la main, P dort sur une patte et Q est assis sur sa queue ; S, c'est toujours un serpent, Z toujours un éclair ; T est beau, c'est comme le mât d'un bateau, U est comme un vase. V,W, ce sont des oiseaux, des vols d'oiseaux ; X est une croix pour se souvenir.
Avec la pointe de son canif, le vieil homme traçait les signes sur les galets et les disposait devant Mondo.
J-M G Le Clézio, Mondo et autres histoires, © Gallimard, 1978.


Extrait 2 : Comment s'est fait l'alphabet




"Taffy prit un os à moelle et s'assit, tranquille, comme une souris, pendant dix grandes minutes, tandis que son Papa faisait des égratignures sur des morceaux d'écorce de bouleau avec une dent de requin. Puis elle dit :

— Papa, j'ai pensé à un secret surprise. Faites un bruit — n'importe lequel.

— Ah ! fit Tegumaï. Cela ira-t-il pour commencer ?

— Oui, dit Taffy. Vous avez l'air d'une carpe, la bouche ouverte. Répétez-le, je vous en prie.

— Ah ! Ah ! Ah ! dit son père. Tâchez d'être polie, ma fille.

— Je n'ai pas envie d'être impolie, sûr de vrai, dit Taffy. C'est pour mon secret surprise. Dites ah, je vous en prie, Papa, et gardez la bouche ouverte, et prêtez-moi cette dent. Je vais dessiner une bouche de carpe grande ouverte.

— Pour quoi faire ? dit son papa.

— Vous ne voyez pas ? dit Taffy, en se mettant à graver sur l'écorce. Ce sera notre petit secret surprise. Quand je dessinerai une carpe avec la bouche ouverte, sur la suie, au fond de notre grotte — si cela ne fait rien à Maman —, cela vous rappellera ce bruit de « ah ». Alors nous pourrons jouer au jeu que c'est moi qui vous saute dessus la nuit et qui vous fait peur avec ce bruit comme j'ai fait près du marais-aux-castors, l'hiver dernier.

— Vraiment ? dit son papa sur le ton des grandes personnes quand elles écoutent pour de bon. Continue, Taffy.

— Oh ! flûte, dit-elle. Je ne peux pas dessiner une carpe tout entière, mais je peux dessiner quelque chose qui ressemble à une bouche de carpe. Vous savez bien, quand elles se tiennent debout sur la tête en train de fouiller dans la vase ? Eh bien voici une carpe ou tout comme (on peut se figurer que le reste est dessiné). Tenez, voici sa bouche, et cela veut dire ah. Et elle dessina ceci.

(1)

— Ce n'est pas mal, dit Tegumai, et il se mit aussi à gratter sur son écorce de bouleau. Mais tu as oublié le barbillon qui lui pend en travers de sa bouche.

— Mais je ne sais pas dessiner, papa.

— Tu n'as pas besoin de dessiner autre chose que l'ouverture de sa bouche et le barbillon en travers. Nous saurons alors que c'est une carpe, puisque ni les perches ni les truites n'ont d'antennes. Regarde, Taffy. Et il dessina ceci.

(2)

— Maintenant je vais le copier, dit Taffy. Comprendrez-vous ça lorsque vous le verrez ? Et elle dessina ceci.

(3)

— Parfaitement, dit son papa. Et je serai aussi surpris, n'importe où je le verrai, que si tu sautais de derrière un arbre en criant « ah ! »

— Maintenant, faites un autre bruit, dit Taffy, très fière.

— Yah ! dit son papa, très fort.

— H'm ! dit Taffy, ça c'est un bruit mêlé. La fin est le « ah » de la bouche de carpe ; mais que faire du début ? Yer-Yer-Yer et Ah ! Yah !

— C'est vraiment comme le bruit de la bouche de carpe. Dessinons une autre partie de la carpe et joignons-les, dit son Papa. Il était lui aussi très intéressé.

— Non. S'ils sont joints, j'oublierai. Dessinez-les séparément. Dessinez sa queue. Comme elle se tient debout sur la tête, la queue vient en premier. D'un autre côté, je crois que les queues sont plus faciles à dessiner, dit Taffy.

— Bonne idée, voici une queue de carpe pour le bruit Yer. Et il dessina ceci.

(4)

— À moi d'essayer, maintenant, dit Taffy. Rappelez-vous que je ne sais pas dessiner comme vous, Papa. Cela ira-t-il si je dessine seulement la partie fendue de la queue et un bâton vers le bas pour rejoindre ? Et elle dessina ceci."

(5)

Sources :
Comment s'est fait l'alphabet, Rudyard Kipling, in Histoires comme ça © éd. Delagrave 1961 traduction R. D'Humières et L. Pabulet
http://kiplinginfrench.free.fr/HCC09.html
http://college.belrem.free.fr/coursfran/6B/alpha/kipling.htm
http://www.kellscraft.com/justso/justsostories09.html


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